Considéré comme le SIDA nouvelle génération, le chemsex touche une jeunesse gay laissée pour compte, chaque année. Pour lever le tabou, l’auteur de Chems, Johann Zarca, et Nicolas racontent leurs histoires avec ce fléau.

Un SIDA version jeune ! “Il y a des parties qui durent une journée, deux jours, 48 heures et ça devient des marathons de baise sans fin”. A peine l’interview ne commence que l’auteur de Chems, Johann Zarca, ébranle les consciences sur le tabou du chemsex. “A la toute fin de ma consommation, je me suis retrouvé à m’injecter [des drogues] devant des webcams. J’étais tellement déchiré que je n’osais même plus faire venir des mecs.”, confie Nicolas à Konbini. En cela, c’est la genèse d’un grand fléau qui touche fortement la jeunesse. Et ce, sans que les études et les politiques ne mettent des chiffres et des mots sur ce phénomène.
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Contraction des termes cames et sexe, le chemsex (ou chemical sexe) a émergé au lendemain des années SIDA et du boom de l’an 2000. La pratique consiste en la consommation de Cathinones et de méthamphétamines, substances que les usagers mêlent au rapport sexuel. “Le chemsex, je l’ai découvert sur les applis de rencontres.”, explique Nicolas. A raison, une annonce sur trois concerne justement le chemsex, sur Grindr et ailleurs. A l’origine de la plongée dans le chemsex, la désinhibition et de l’exacerbation corporelle sont les deux facteurs pour se sentir beau et désiré. “J’ai [eu] l’impression de me retrouver devant des mecs qui me plaisent, dans une espèce d’ambiance hippie 2.0 gay.”, raconte Nicolas, à propos de ses premières fois.
Un phénomène banalisé
Pris entre fascination et désuétude, le chemsex fait oublier le temps et l’espace, les habitudes passant d’une soirée par semaine, à un week-end entier puis toute la semaine. Dans des soirées, organisées en avance via des droits d’entrée sur PayPal, deux à soixante personnes, de “toute origine, tout milieu social et tout âge”, se côtoient d’appart en appart. “On est à poil, on discute, on baise et on socialise.”, souligne Nicolas. “J’avais l’impression de tomber amoureux cinq à six fois par soir.”, ajoute-t-il. Quand les sensations de solitude et de dépression deviennent plus persistantes, la dépendance s’accroît, les descentes sont plus fortes. “J’avais envie de consommer de plus en plus, c’était un cercle vicieux.”, déclare l’ancien toxicomane.
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De cette pratique encore taboue, Johann Zarca en dessine les dessous fantasmatiques, bestiaux et démesurés. “Il dit quelque chose de la société sur le culte de la performance et celui du plaisir, érigé en Saint-Graal.”, explique l’auteur de Chems. A ce point de non-retour, le consommateur de chemsex est réduit à l’être animal, n’ayant de goût que pour cette pratique. Dès lors, la sur-prise de GHB, substance du chemsex, entraîne des comas amnésiques, des arrêts cardiaques et des états de paranoïa. “[A chaque fois], je m’endor[mais] puis me réveill[ait], comme si toute la vie avait été aspirée de mon corps. Je n’avais plus aucune joie de vivre.”, relate Nicolas. Aujourd’hui, là où l’ancien consommateur de chemsex a pu s’en sortir, d’autres continuent à sombrer davantage, sans échappatoire possible. Mais, comme le souligne Nicolas, “n’ayez pas peur d’en parler” et courez “à la première réunion de parole” de votre quartier.
Un sujet peu considéré
Encore aujourd’hui, les pouvoirs publics, les médias et les associations peinent à s’emparer du problème dans sa globalité. Pourtant, quelques voix prennent les armes pour alerter sur le chemsex, à commencer par l’élu à la Mairie de Paris, Jean-Luc Romero, et le fondateur de Playsafe, Michel Mau. A raison, le premier a en effet fait face aux conséquences de cette pratique, avec le décès de feu son mari Christophe Michel, pour lequel il a dédié un ouvrage, Plus vivant que jamais.“[Seule] une minorité de gays est informée sur ce sujet. [Et], aucun ministre n’a eu un mot sur les drogues de synthèse et le chemsex.”, déplore-t-il.
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Engagé sur cette question depuis 2012, Michel Mau déplore un phénomène pour lequel la France peine à y mettre des chiffres et à trouver des solutions. “Aujourd’hui, on se rend [seulement] compte de l’ampleur du phénomène par rapport aux membres des réseaux sociaux qui postent des avis de décès sur Facebook et à leur désarroi.”, pointe Michel Mau. “Il faut une prise de conscience collective et une volonté communautaire à porter le sujet du chemsex comme une priorité.”, poursuit le président de Playsafe.

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